Si tout n’était qu’une obscure clarté , si l’horizon fuyait vers d’inconstants rêves brisés, je me complairais dans ces semblants dépassionnés. Je ne ferais plus qu’un avec cette fange de lieux communs, et mon souffle suivrait celui de l’Ange. Mais je refuse et n’accepte cette réalité, je suis celui qui la brime, la déforme ou l’arrange, celui qui la dévêtit pour mieux l’oublier.
Fades et froids tels sont mes réveils maussades et sans émoi. J’embrasse l’aube éteinte et cruelle, je me noie dans son étreinte vermeille et l’effleure du doigt. Je la contemple avec désir sans jamais parvenir à la conquérir, chaque matin que l’on me prête et que je dois, est une défaite sans nuances ni combats.
A travers les vitres de mes refuges meurtris et de mes repères d’impatience, je ne suis plus qu’un cri étouffé , qui pourrait maudire la vie et ses contradictions ou mourir inlassablement d’ambition, mais qui préfère se draper dans des pourquoi dont le sens et la raison ne se saisissent que dans un murmure fatigué, dans les aigus bruyants et saccadés des paroles saphirs , celle que l’on ne prononce jamais.
Le chêne et le peuplier bordant les chemins escarpés, si fier et si droit sur leur branche saluent le grand Roi que l’on nommé Hier, ou peut être tout simplement s’adressent-ils à moi? Ils se muent dans une valse de teintes de mai et se déchirent dans une pluie de feuilles fantasques et parfumées, ils inondent de pétales cette terre qui n’est tout au plus au plus qu’un curieux dédale exsangue et sans pitié.. Pourtant ils baillent leurs mépris dans le ciel indigo en contemplant de leurs grands airs suffisants mon visage cerné ou se dessine et s’ébauche ce masque fantoche que l’on m’oblige à porter.
De l’autre coté , la rue s’anime et s’envenime au fil des minutes ensoleillées, elle s’abandonne à l’instant et se met à jouer cet éternel capharnaüm, cette disharmonieuse symphonie qui rythme la vie des hommes. Le vrai n’est qu’une insouciance passagère que j’évite en voguant sur les flots de ma haine ou de ma colère, ces meurtrières des abysses de l’océan des tourments quotidien, ceux d’aujourd’hui et de demain.
Je suis celui qui ne veut être, celui qui fuit les demi-émotions du réel pour se muer dans une illusion passionnelle , celui à qui l’on promet sans émotion et qui attend le joug prochain de ces répétitives déceptions. Je suis un vers qui ne croit plus en son étoile, mais qui refuse de baigner ses sanglots dans la fatalité, qui préfère avoir cru plutot que de hurler le désenchantement d’un monde qui n’existerait plus.
Je ne suis que Moi, sans Dieu ni enfer, une seconde volée loin des regards accusateurs et sévères. Je pleure un unique espoir celui de devenir l’encre blafarde que l’on condamne et envie, celui qui volerait l’or du ciel pour l’offrir sous les crachats de tous, celui qui graverait le frisson glacial qui figerait le temps dans son écrin d’argent pour une minute ou un seul instant.